1 janv. 2025
Un bilan économique 2024 en demi-teinte et des perspectives favorables sous conditions pour 2025
Le Gabon a continué à faire face en 2024 à des défis structurels et conjoncturels qui influencent son économie. Tout en s’efforçant de stabiliser ses fondements, il poursuit son engagement de diversification économique et d’attrait des investissements étrangers. Dans ce contexte, l’économie reste résiliente avec des perspectives prometteuses mais assujetties à plusieurs contraintes à surmonter.
Une croissance modérée et des finances publiques sous pression
L’économie gabonaise a enregistré une croissance modérée en 2024, estimée à environ 3,1% (Perspectives économiques régionales – Afrique Sub-saharienne, FMI, Oct. 2024). Cette performance a été encouragée par un doublement de l’indice de production pétrolière (6,6 %), soutenu par le bon rendement des champs matures et le démarrage réussi des nouveaux puits, dans un contexte de stabilisation des prix du baril de Brent autour de 80 dollars US en moyenne sur l’année. Le manganèse reste un levier clé, avec une production de 7,5 millions de tonnes sur les trois premiers trimestres 2024 (Note de conjoncture sectorielle, 3ème trimestre 2024, DGEPF). Quant au gaz naturel, la production s’est consolidée de 11,3% sur les neuf premiers mois de l’année, soutenue par une bonne dynamique du carnet de commandes des gros consommateurs (SEEG, Société de Patrimoine, SOGARA).
A fin septembre 2024, en glissement sur 12 mois, la production de grumes a quant à elle fléchi de 20%. La production de contreplaqués progresse de 41% sur les 9 premiers mois de l’année, portée par la robustesse de la demande au sein de Union Européenne, en Asie et sur le plan local.
L’inflation est restée relativement stable en 2024, estimée à 2,1 % par la Banque des États de l’Afrique Centrale (BEAC) en juin 2024, grâce notamment à des initiatives gouvernementales prises en faveur d’une stabilisation des prix des produits de première nécessité.
En revanche les finances publiques du Gabon sont restées sous pression, avec un déficit budgétaire proche de 4 % du PIB. La dette publique demeure à un niveau élevé, représentant environ 73,3 % du PIB selon le FMI (Cf. supra). La dette publique externe représente quant à elle 33,6% du PIB selon les estimations de la BEAC en juin 2024, en baisse (37 ,5% du PIB en 2023). Pour plusieurs partenaires extérieurs, le risque politique s’est dissipé avec le respect du calendrier de la transition, mais a cédé la place à un risque accru de carence de liquidités.
L’année 2024 a été marquée par plusieurs points essentiels :
La stabilisation institutionnelle et la conformité aux échéances de la période de transition ont permis d’engager des réformes structurelles, notamment dans la gouvernance économique et la transparence budgétaire (mise en place du Compte unique du Trésor (CUT), progrès significatifs dans la numérisation des services publics, introduction de la taxe foncière unique (TFU) etc.).
Le gouvernement a ainsi pu mener une politique extensive d’investissement marquant son dynamisme tout au long de l’année avec, entre autres :
la poursuite des travaux de réfection des voiries urbaines,
la construction d’édifices publics,
l’accélération des travaux d’aménagement de la Baie des Rois,
la construction du barrage hydroélectrique de Kinguélé Aval,
la finalisation du projet PIEPAL, etc.
Par ailleurs, l’Etat a concrétisé sa volonté d’implication plus large dans la gestion de ses matières premières, notamment par :
le rachat des parts d’Assala,
la prise de nouvelles participations dans des projets offshore de TotalEnergies et Perenco,
le rachat de 63% des parts d’Arise IIP dans la Société Nationale des Bois du Gabon (SNBG) par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC),
la prise de participation de 35% de l’Etat dans la société ABG (ex-SIAT Gabon).
La stratégie de diversification économique s’est matérialisée spécifiquement par :
l’entrée en production de cinq nouvelles usines dans la zone d’investissement spéciale (ZIS) de Nkok en 2024 dans les secteurs du bois et de la sidérurgie,
la réorientation du défunt programme GRAINE avec la création de la Société pour l’Agriculture et l’Elevage du Gabon (SAEG), détenue par la CDC,
l’ouverture de la Banque pour le commerce et l’entrepreneuriat du Gabon (BCEG) en faveur du financement de l’entreprenariat local.
Des perspectives 2025 plutôt encourageantes mais soumises à certaines réserves
Les prévisions de croissance sont orientées autour de 2,5%, avec une inflation de 2,1% (FMI, supra).
La tendance baissière du prix du Brent, déjà amorcée en 2024 (autour de 75 dollars selon les analyses), pourrait venir alourdir les conséquences, sur les finances publiques, de la baisse attendue de la production de pétrole (-2,1% prévue par le projet de loi de finances 2025).
La poursuite des efforts pour réduire la dette publique et améliorer la gestion budgétaire sera ainsi d’autant plus essentielle pour préserver la résilience économique du pays. De même, l’intensification des investissements dans les secteurs stratégiques (agriculture, transports, tourisme, numérique, mines et industrie) est particulièrement de mise pour accélérer la diversification, tout en maintenant l’engagement du Gabon dans la préservation environnementale.
Les discussions en cours entre le Gabon et le Fonds monétaire international en vue de la mise en place potentielle d’un nouveau programme, sont marquées par des défis financiers avec l'augmentation de la dette publique du pays qui dépasserait encore en 2025 le seuil de convergence de 70 % fixé par la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC). Une préparation sincère et une exécution rigoureuse de la loi de finances sont par ailleurs des éléments particulièrement regardés par le FMI pour le Gabon. Le précédent programme d'appui budgétaire, qui devait se clôturer en juin 2024, n'avait pas atteint ses objectifs en raison du non-respect des engagements pris.
Le pays devra également s’attacher à renouveler la confiance des investisseurs à travers un climat des affaires amélioré et une stabilité politique dans cette année électorale avec la tenue de l’élection présidentielle prévue en 2025, qui marquera la fin du processus de transition entamé en août 2023 sous l'égide du Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI).
Malgré un contexte économique et politique délicat, le Gabon s’emploie à poser les bases d’une économie encore plus résiliente et surtout diversifiée. Les efforts fournis en ce sens par les autorités permettent d’afficher des perspectives optimistes. Le succès de cette transformation économique dépendra de la capacité de l’Etat à mettre en œuvre l’ensemble des réformes essentielles, à mobiliser les ressources nécessaires, notamment auprès des bailleurs et des investisseurs, et à assurer la stabilité politique.